Daniel était le fils aîné d’un peintre et d’une couturière. Il était né dans ce qu’on pouvait considérer comme de l’opulence pour l’époque. 1690, imaginez-vous. Bien sûr, il n’était pas enfant unique, il avait une sœur et un frère.  Il reçut une très bonne éducation à la cours du roi et grandit comme tout homme de l’époque, apprenant la philosophie, les arts, les armes et l’équitation. Puisqu’il marchait dans les pas de son noble père, ce dernier l’envoya en Italie apprendre à Rome tous les secrets des grands peintres qui avaient déjà marqué l’histoire. Il y apprit la langue et les charmes des magnifiques créatures italiennes. Sa sensibilité artistique s’y développa énormément et il vit quelques-unes des plus belles années de sa vie, goûtant autant aux luxes qu’à la luxure. Il tomba sous les charmes d’une magnifique jeune femme aux cheveux noirs de jets qui posait pour les peintres. Cette délicieuse demoiselle était la plus belle créature de Rome et, avait jeté son dévolu sur Daniel. Ils vécurent une passion dévorante, celles qui inspiraient les plus intenses des romans d’amour.

La demoiselle était une vampire et sa nature vraie ne posait aucun soucis au bel artiste qui la suivit dans toutes ses folles aventures à travers l’Europe. Le jour de leur dix ans d’amour, elle lui fit le cadeau de l’immortalité qu’il accepta avec grand plaisir. Daniel avait ainsi 31 ans pour l’éternité. Le soleil ne fut jamais un problème. Rome abritait de puissantes sorcières qui cédèrent à son magnifique regard émeraude et lui confectionnèrent une bague de jour. Mais, à partir de ce moment, leur passion connu un déclin lent et douloureux. Ce n’était la faute de personne, juste du temps qui faisait que l’amour se fanait. L’artiste trouva d’autres muses et la muse trouva d’autres artistes. Ils se quittèrent sans effusion de larmes, sans cris, sans haine, juste avec la promesse de se revoir de temps à autres, aussi longtemps que leur éternité leur permettrait.

Daniel continua sa vie en Espagne, observant sa famille vieillir sans lui. Il passait pour un lointain cousin, histoire de ne pas effrayer tous les mortels. L’art était toujours son moyen d’expression et il dépeint sur de nombreuses toiles sa tristesse de voir ses parents se mourir. Quant à ses cadets, ils devinrent hommes et femmes respectables avec leurs enfants. Plus tard, ce fut les petits enfants qu’il observa et protégea, devenant au fil des siècles, le protecteur de la famille.

Sa vie ne fut pas pleine d’amour et de beaux jours. Certains temps étaient plus durs que d’autres, certains souvenirs plus douloureux. Parmi ceux-ci, il y avait une autre femme qui avait pris son cœur. Une belle française aux mœurs raffinées et au langage fleuri. Très catholique, elle craignait les démons et toutes les créatures venues des enfers. Daniel n’osa pas lui avouer sa vraie nature, de peur de bousculer toutes ses convictions. Dans ses mensonges, il la rassurait lorsqu’elle parlait de ses craintes de ne pas réussir à avoir d’enfant avec lui. Lorsque vint le moment de la vérité, il connut la plus grosse effusion de sentiments de sa longue vie. Il la regarda partir dans ses larmes, apprenant le lendemain par la famille que la jeune femme s’était donné la mort par pendaison.

Ce passage de son histoire ne figurait dans aucun tableau, juste dans une esquisse fragile du visage ravissant de son aimée. Les années passèrent, la blessure ne guérissait pas. Bien sûr qu’il connut encore d’autres relations mais, il n’y mettait plus le même investissement, comme s’il manquait des couleurs à sa palette.

Lorsque l’appareil photo fut inventé, ce fut comme une seconde renaissance pour lui. Fasciné depuis ses débuts par cette technologie, ses appartements actuels sont des musés dédiés à la photographie. Il en faisait d’absolument tout, développant un nouveau côté de sa fibre artistique. Quand cet appareil merveilleux devint portable, il ne le quitta plus, étant une partie intégrante de son être.

Tout se bouscula en 1942. Daniel était aux Etats-Unis, décidé à balader son appareil photo sur ce pays à part. Malgré son âge avancé, il fut capturé comme d’autres vampires par l’organisation Augustine. Elle avait comme membres des scientifiques, des chercheurs. Pas ceux qui secouent des flacons bleus, non, plutôt de ceux qui dissèquent, découpent et mutilent. Ils avaient pour but de guérir les maladies humaines, voire même améliorer l’homme grâce aux connaissances qu’ils retiraient des corps des vampires. Mais, il fallait bien avouer que ce qui se passait réellement était bien différent. Les praticiens n’étaient pas des scientifiques, pas même des médecins. Juste des sadiques dérangés qui trouvaient un malin plaisir dans la torture et l’humiliation de créatures crées comme plus puissantes. Les expériences étaient insoutenables, les conditions de vie inhumaine, les cages petites, sans air frais, pestilentes où mêmes les rats mourraient, les doses de sang étaient rares, la nourriture traditionnelle fantasmée et la douche priée.

Son statut passa au début des années 2000 de cobaye à exécuteur. Les scientifiques avaient réussi à mettre au point, on ne sait pas quel miracle, une technique complexe permettant de modifier la nature profonde d’un vampire. Certain appelaient ça le virus de l’éventreur, Daniel préférait l’appeler le caractère du prédateur. L’espagnol fut le premier à être contaminé. Les résultats furent prodigieux, le vampire cherchait désormais à se nourrir de ses congénères. Un fléau pour une race. Si le sang humain lui était toujours permit, c’était celui des créatures de la nuit qui le faisait se sentir vivant. L’Augustine en tira un avantage. Tout vampire un peu trop rebelle ou peu coopératif passait dans sa cage et finissait exsangue sur le sol. C’était également plus simple pour capturer de nouveaux vampires. Daniel était devenu, bien contre sa volonté, le bras armé de l’Augustine. Le virus fut injecté à d’autres avant d’être perfectionné des années plus tard. La nouvelle version faisait de ses victimes des créatures hors de contrôle, tout à coup, il portait bien le nom de virus de l’éventreur.

Daniel sortit de ce monde en 2009 après 67 ans de folie. Comment en était-il sorti ? En s’unissant avec d’autres vampires. Ils préparèrent leur coup pendant des années mais, l’attente en valut la peine tant le massacre qu’ils perpétrèrent fut magnifique. Dehors, ils se séparèrent et découvrirent la vie moderne. L’espagnol prit bien soin de mettre le feu à toutes les installations et à tous les cadavres, il ne devait rester aucune trace de ce que l’humanité avait fait de pire. Il découvrit le monde moderne dans ce petit coin du Mississipi. Bien vite, il s’en éloigna, découvrant le pays, les nouvelles normes et surtout les nouvelles technologies. L’appareil photo avait tellement évolué, c’était quelque chose de dingue. Il s’installa en Californie, adorant voir la mer et sentir la liberté. Il domestiquait son côté prédateur. Bien sûr qu’il se nourrissait des vampires qui croisaient sa route mais, ça ne faisait pas de lui un animal sauvage. Récemment, il apprit qu’une autre branche de l’Augustine existait encore dans une petite ville de Mystic Falls. Il s’y rendit, déterminé à éteindre définitivement l’organisation.
HISTOIRE

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