Une rencontre un peu particulière

La rencontre avec Elijah m’avait fait du bien. Nous avions discuté, beaucoup. Il m’avait, l’espace de quelques minutes, un instant, fait oublier pourquoi j’étais arrivée ici, mais je n’oubliais pas pour autant. Je ne pouvais pas. Oublier mon père, mon ancien compagnon, mon pays, ma vie…
En tant qu’Irlandaise, je décidais de me rendre dans l’un des bars de cette ville pour connaitre leurs cartes.  De la bonne bière, du bon whisky, du vrai alcool, pas ce genre de chose que l’on donne aux gamins pour les coucher. Je fus surprise en entrant, ça n’était pas un veux rade, c’était assez moderne, avec beaucoup de jeune. J’allais au bar demandais une bière et bien que celle que l’on me servit ne me satisfaisait pas vraiment, elle n’était pas si mauvaise de ça. Ça me changeait de chez moi, mais c’était mon choix de partir, alors je devais faire avec ce que l’on me proposait. Il me tardait d’avoir mon logement, mon chez moi autre que cette vieille chambre miteuse.
En me levant ce matin, je voyais à nouveau ces cernes sous mes yeux et mon teint plus pâle qu’à l’habitude, j’espérais qu’avec de l’alcool dans le sang, j’arriverais à dormir. C’était mon vœux le plus cher, faire une nuit sans cauchemar, sans que mon père ne vienne me tuer une fois de plus en rêve. A mesure que j’en rêvais, je perdais confiance en moi, je devenais de plus en plus triste, car il avait réussi, il m’avait détruite et jamais je ne pourrais sauver le peu de ma personne qu’il reste à sauver. L’idée de mourir et de plus en plus dans ma tête, après tout, il a déjà gagné alors à quoi bon continuer… Pour quoi ? Et pour qui ? Certainement pas pour moi qui n’attends plus rien de ce triste monde. Je secouais la tête après ses idées morbides et demander un whisky, quelque chose de fort en gout pour me faire oublier tout ça. Je bu le verre presque cul-sec. Ça n’avait pas le gout du whisky de chez moi, mais ça m’irait très bien.

J’avais chaud, sûrement l’alcool qui me montait à la tête. Je décidais de me rendre aux toilettes, me refaire une beauté, me rafraichir. Lorsque j’arrivais dans la pièce, une demoiselle aux longs cheveux bruns se trouvait au-dessus d’un évier. Au début, je ne fis pas attention à elle, du moins, je tentais. Je me mis de l’eau fraiche sur le visage et la demoiselle à côté ne se sentait pas bien visiblement. D’un geste qui ne me ressemblait pas, je relevais ses cheveux en arrière. Si elle allait vomir, je suppose qu’elle ne voulait pas le faire sur ses cheveux.
- Tout va bien ?

Une rencontre un peu particulière

Dire qu’aider était quelqu’un n’était pas dans mes habitudes étant donné que le contact humain et moi avait vite fait deux dans ma vie. Certes, il y avait eu Smith… Je n’avais pas eu le courage de l’appeler, de m’excuser. Un texto, c’est tout ce qu’il avait eu droit après m’avoir tout donné. Je suis quelqu’un de mauvais, je le sens, je le sais. Mon père me l’a toujours dit, il m’a obligé à le penser et maintenant, c’est un fait que je tiens ancré dans ma tête.
Un contact humain, aussi futile que ça était étrange, mais elle n’avait vraiment pas l’air bien. Une cuite peut-être ? Peut-être pas à en juger par sa tête lorsqu’elle me regarda dans le miroir. Elle était blanche, mais ne semblait pas bourrée. Puis, enfin, comme si c’était plus difficile à dire qu’à subir, elle finit par m’avouer qu’elle avait des nausées. Il était clair que ça n’était pas de simple haut le cœur, mais les nausées d’une grossesse. Au vue de son corps, c’était le tout début. Je lui lâchais doucement les cheveux en lui annonçant que je revenais d’ici quelques minutes. Pourquoi l’aider ? Parce qu’elle va être mère et que c’est normal d’être épaulée.
Je sortis des toilettes en me rendant au bar. J’hélais le barman pour qu’il me donne un grand verre d’eau. Aussitôt dans la main, je retournais aux toilettes où visiblement la jeune femme n’avait pas changé de place.
Je posais le verre sur le rebord de l’évier et pris la demoiselle par le dos pour la conduire sur une chaise. Oui, une chaise dans les toilettes. N’oublions pas que des femmes, généralement, ça y va à plusieurs, alors une chaise n’est pas étonnant dans cet endroit. Je la quittais quelques secondes pour lui apporter le verre d’eau.
- Je ne sais pas si ça fera quelque chose… Les gens apportent toujours de l’eau quand les gens ont envie de vomir…
Je lui adressais un sourire gênait et me mis à regarder son ventre.
- C’est assez récent, non ?
Elle n’avait pas de ventre, ça l’était donc. Je ne savais pas quoi faire, quoi dire. Je n’avais jamais côtoyé de femmes enceintes. Du moins, pas que je me souvienne. Sans doute que dans mon ancien travail, j’avais dû en rencontrer, mais en côtoyé, des vrais, en discuter, les toucher jamais. Non pas que ce soit des bêtes de foires, mais une femme enceinte c’est quelque chose d’extraordinaire à mesure où elle porte en elle un enfant, qu’elle va souffrir pour le mettre au monde, et si elle n’a pas de chance, elle pourra mourir. Ma mère est morte et ne m’a jamais vu grandir. Cette idée me traversa l’esprit, se pourrait-elle qu’elle meurt en donnant la vie ? Se pourrait-elle qu’elle meurt en donnant la vie ? Je replaçais mon attention sur la demoiselle, des idées trop morbides dans ma tête. La mort avait toujours fait parti de mon quotidien, c’était une idée qui ne me quittait que rarement, alors ici, en contraste avec la vie qu’elle portait en elle, ça avait d’autre plus de sens.

Une rencontre un peu particulière

La jeune demoiselle enceinte en face de moi prit le verre et visiblement, ça lui fit du bien. Je la vis se relever et je me tenais prête à la retenir, au cas où. Visiblement, elle allait mieux. Même si, sur son visage, je pouvais lire qu’elle n’avait pas la grande forme. En même temps, la grossesse n’est pas connu pour permettre aux femmes d’avoir la forme. Non, c’est une succession de divers mal et de prise de poids. Je ne saurais dire si la grossesse me tente. Avoir un enfant ? Pourquoi pas, mais pour ça, il me faudrait trouver quelqu’un et c’est là que se pose le problème. Je n’ai personne dans ma vie et je ne sais si j’arriverais à trouver quelqu’un avec qui je me sentirais assez bien pour parler de choses aussi sérieuses que ça. Surtout qu’il y a tout ce qui est question de mariage. Et puis, si je venais à mourir et que mon enfant se retrouver comme moi, sans mère ? Donner naissance pour subir les à-coups de la vie, je ne sais pas si je suis prête à faire encourir ça à mon futur enfant. Surtout, revenons sur le point crucial, je suis célibataire.
Merci de quoi au juste ? D’avoir fait ce qui est normal en aidant une personne totalement inconnue ? J’avais fait ma B-A, c’est déjà ça !
- Merci de votre aide. Les nausées sont pas une partie de plaisir, et dire que j'en ai encore pour beaucoup de mois comme çà.
Je lui adressais un sourire compatissant. C’est vrai que, d’après les rumeurs, les nausées n’étaient pas du tout réjouissantes. Elle n’avait pas tort, le pire allait arriver. Comme les douleurs, les gonflements, la prise de poids… Non, définitivement, pour l’instant, ça ne me tente pas. Je m’approchais de la porte avec un léger sourire. Histoire de continuer à être gentille.
- Vous voulez boire, manger quelque chose ? Histoire de vous remplir un peu l’estomac.
Faire face à sa vie, prendre des risques, aider quelqu’un, boire un coup, manger avec elle, histoire d’être amie. Ça peut être pas mal, en somme, non ?

Une rencontre un peu particulière

Prendre soin de quelqu’un, ça me change de mon ancien quotidien. Avec Smith, ça n’était pas pareil, c’était plutôt lui qui prenait soin de moi. Je n’étais pas qu’un boulet, mais j’avais ce besoin intense d’amour, un besoin que je n’avais pas eu depuis…Depuis toujours en fait. Je suis loin de me dire que cette jeune femme enceinte a besoin d’aide au quotidien, mais à l’instant, pourquoi pas lui tendre la main ? Je la suivais à bonne distance, pour être prête au cas où. Je ne pense pas qu’elle puisse faire de malaise, mais comme mon attitude le montre, je ne sais pas réellement comment agir avec les autres. C’est tout nouveau. Je la regardais faire sa commande, le visage impassible. Lorsqu’elle tourna son regard vers moi, pour me payer quelque chose en guise de remerciement, je ne me fis pas prier. Je regardais le garçon de café qui attendait ma commande, l’air presque impatient. Il y avait du monde, c’est un fait.
- Une bière. Guiness, si vous avez… Sinon, une bonne bière.
Si mon accent avait trahit mon arrivé dans ce pays, peut-être que ma commande assez particulière l’aiguillerais. Je pris place à une table toute proche en la regardant me rejoindre. Ça ne se voyait pas, mais pour des yeux qui savaient, je pensé repérer une légère rondeur sur son ventre.
- Et le père ? Il n’est pas là ?
J’ai un tact immense, n’est-il pas ? Je me mords la lèvre et reprend avant de lui laisser le temps de répondre.
- Je suis désolée ! Je ne voulais pas être aussi intrusive. Je manque un peu de pratique…
Le serveur nous apporte rapidement le croque-monsieur de la demoiselle et une bière qui n’est pas une Guinness. Je fais un peu la grimace en voyant ce breuvage et sourit à la demoiselle.
- Je m’appelle Donna au fait.

Une rencontre un peu particulière

Ca n’était pas une Guinness, à croire qu’ici, il n’avait pas de bonne bière. C’était un ramassis d’houblon infect. L’Europe me manque pour ce délicat nectar qu’est la bière. La demoiselle en face de moi, cette femme enceinte me certifia que ma curiosité n’était pas un mal, j’en étais ravis, je ne voulais pas qu’elle pense que je n’étais qu’une vilaine curieuse se moquant des émotions des autres. D’une certaine manière ça n’est pas si faux que ça, je me moque des émotions des autres pour la simple et bonne raison que me familiariser avec les autres humains reste une chose compliqué pour moi. Une fois le serveur parti, elle m’expliqua à demi-mot le problème avec le père de son enfant. Ne pas être réellement à deux et qu’il n’est pas pris la nouvelle avec le sourire. Je pris une gorgé de mon breuvage, les yeux dans le vide.
- Certains ne sont pas faits pour être père…
Ma voix était grave et je croyais tellement à ce que je disais…Je l’avais vu, j’avais subit les efforts paternels d’un père démoniaque. J’avais connu la douleur, la mort de si près qu’elle était devenue ma meilleur amie et mon seul espoir. J’avais appris à me taire, à ne pas crier, ne plus hurler, ne plus pleurer lorsqu’il meurtrissait mon corps.
- Il ne voulait pas d’enfant ?
Pour une telle curiosité ? Parce qu’elle avait un cadeau que je n’aurais jamais. Si un jour j’arrivais à être enceinte c’était que mon père serait mort et que j’avais eu une chance miraculeuse avec tous les coups que j’ai eu. Il faut certes un père, mais il faut que la mère puisse le porter, ce qui dans mon cas est difficile. Je continuais à siroter ma bière, culpabilisant presque de boire de l’alcool alors que pas elle.
- Ça fait longtemps que vous vivez ici ? Je viens d’arriver et comme vous avez pu remarquer…Je suis assez curieuse.
Un sourire un peu plus grand pour lui montrer que je n’avais rien de dangereux dans cette curiosité, mon accent devait lui confirmer que je n’étais pas d’ici, que j’étais arrivé depuis très peu de temps. J’espérais juste que mes yeux ne trahissait pas trop ma peur et ma tristesse.